Lettres d'Uriah Smith à D.M. Canright

LETTRE 1

Battle Creek, Michigan, 22 mars 1883

Cher Frère Canright :

... J'ai été intéressé par vos questions posées à Oncle George [Butler] sur les omissions dans ‘Early Writings’ (Premiers Ecrits). Nous avons le journal Marion en échange, et j’ai noté l’article. En ces circonstances, je pense qu'il a dû s'abattre sur lui quelque chose comme une avalanche, et je serais curieux de savoir comment il y a répliqué, s'il a mis une note en marge de sa réponse. Je n’ai pas de doute que les citations [faites dans le journal Marion] soient correctes. Je me souviens être tombé sur la brochure ‘A Word to the Little Flock’ lorsque nous étions à Rochester, mais je n’ai pas vu un exemplaire depuis [en + de 25 ans], et je ne savais pas pourtant qu’Experience & Views contenait le texte intégral des premières visions. Il me semble que les Témoignages sont pratiquement apparus sous cette forme, et qu’il n’est d’aucune utilité de vouloir défendre les prétentions erronées qui sont maintenant avancées en leur faveur. Pour le moins, après le traitement injuste que j’ai reçu l’an dernier, je ne ressens aucune culpabilité dans ce sens. Théoriquement, la doctrine des dons spirituels est suffisamment claire, et je pense que l’ensemble de nos membres s’y rallie. Frère Littlejohn a prêché sur le sujet ici, le traitant principalement d’un point de vue théorique, mais cela ne touche pas du tout à la question en débat parmi nous. Je présume que vous avez noté dans la Review du 13 mars, l’article dévastateur de frère Waggoner à propos des dons des Mormons. Mais franchement, je ne comprendrais pas si le même raisonnement ne s’appliquait pas un peu à notre propre expérience. Les cas de Fuller, Cornell et Smith Sharp, m’ont assommé. Si tous les frères étaient disposés à examiner en détail et sincèrement cette affaire, je crois logiquement qu’un dénominateur commun pour tous pourrait être trouvé. Mais certains, au regard de la règle ou de l’esprit ruiné, sont tellement dogmatiques et têtus que je suppose que tout effort dans cette direction n’amènerait que rupture du corps. Je regrette que la réunion de l’Association pastorale du Michigan ait honteusement échoué cette année. Les deux difficultés contre lesquelles elle a dû lutter, tel que je le vois, sont la première, un manque de goût littéraire de la part de beaucoup de ministres, mais cela devrait être surmonté et je pense pourrait l'être, par la pratique et une pression constante. Mais la seconde, la plus grande je crois, pourrait être une crainte de la part des autorités constituées, d’une libre pensée et d’une libre discussion. Comme c’est le cas jusqu’à présent, c'est une honte et un déshonneur pour nous...

Très fidèlement votre.

U. Smith

LETTRE 2

Battle Creek, Michigan, 6 avril 1883

Cher Frère Canright :

Votre lettre du 24 mars a été dûment reçue ; par la présente je vous retourne la lettre du frère Butler comme vous le demandez, l’ayant lue ou discutée seulement avec le frère Gage. Le pasteur Butler écrit aux autres de faire très peu cas des omissions opérées dans ‘Early Writings’. Il écrit au frère M.C. Wilcox, maintenant dans ce bureau, que si l'affaire suscite assez pour qu'elle appelle réponse, si aucun de nos ‘grands auteurs’ estime convenable d'y répondre, il s'y essayera. Pour ce qui est d'écrire pour la Revue, le plan est d'envoyer des demandes à environ dix-neuf personnes différentes, et si toutes doivent écrire plus d'un à trois relativement longs articles, il n'y aurait plus d'espace pour eux dans le journal, de sorte qu'une limite a été fixée quant à la longueur. Nous aimerions qu'un de vous suffisamment apte, s'exprime dans trois numéros. J’ai l’intention d’écrire dans le prochain journal un article synoptique sur ce sujet, mais si je le devais, cela n'interférerait en aucune façon avec ce que vous pourriez dire sur le sujet. Je ne jette pas un regard inconsolable sur nos expériences comme vous y semblez céder, car si les visions devaient être entièrement délaissées, cela n'affecterait en rien ma foi en nos théories bibliques ; par conséquent je ne devrais pas considérer mon expérience sans valeur, ni ma vie jeter, car je suis enraciné et fondé en nos doctrines. Je crois que le système d'interprétation prophétique que nous présentons est sain, et pour autant que nous ayons contribué à présenter cela au monde, nous aurons accompli un bon travail. Je n’ai appris aucune de ces choses à partir des visions, et elles ne s'appuient pas sur leur autorité. Vous demandez s'il y a une issue : je ne sais pas ou plutôt, tandis qu'il doit exister quelque passage traversant les difficultés présentes (car Dieu poursuivra et préservera Son propre ouvrage) je ne vois pas maintenant quelle est cette voie. L'idée a été soigneusement instillée dans l’esprit des gens, que remettre en question un tant soit peu les visions, c'est immédiatement devenir un apostat dénué d’espérance, et un rebelle. Plusieurs je suis désolé de le dire, n'ont pas une force de caractère suffisante pour ébranler une telle conception, c'est pourquoi dès le moment où quiconque fait quoi que ce soit pour les secouer au sujet des visions [d'Ellen White], il a tout perdu de la foi, et court à la perdition. Je crois que cet état de choses ne serait jamais arrivé si la position de nos membres sur cette manifestation des dons avait été correcte. Si nos membres se réunissaient calmement, franchement, avec bonté, et délibéraient librement sur cette affaire, je crois -comme je l'ai dit à vous comme à d'autres- qu'une position cohérente pourrait être trouvée, qui libérerait le sujet des difficultés, qui satisferait et recueillerait le suffrage d'un public intelligent, et ne priverait pas le don du brin de bien pour lequel il a été destiné. Mais il y a de trop nombreux fanatiques obstinés et têtus pour offrir n'importe quelle perspective très flatteuse dans cette direction. Si la question pouvait être débattue sans une rupture violente de quelque sorte, ce serait la meilleure chose. C'est ce que je déteste, et aussi lutter lors de nos conflits au collège. Il faudrait impérativement que je vous voie, pour sonder ensemble certaines de ces questions, je peux un jour ou l'autre accepter votre invitation et visiter Otsego. Vous voyez par la Revue que je sors de temps en temps ; demain je m’en vais à Marshall  rejoindre les réunions de Marshall, Convis et Newton. D’ici une semaine, je vais à Hillsdale sur invitation du frère Lamson, pour assister à leur assemblée trimestrielle de district, les 14 et 15. La conception d'un climat qui pourrait exister parmi nous illumine parfois mon esprit, où l'amour et l'harmonie prévaudraient, où il y aurait accord et union d'action, une reconnaissance des droits de chacun, et courage et inspiration pour faire résonner sur terre le son de la glorieuse vérité, afin que les âmes regardent le Sauveur comme leur espoir et leur refuge. Puissions-nous vivre aussi près de la droiture que nous le pouvons, être vigilants contre tous les plans de l'ennemi visant à détruire notre vie spirituelle, et espérer en la providence de Dieu pour nous guider dans ces temps de danger. Le Dr. Sprague [un médecin adventiste] a rejoint l’Eglise Presbytérienne dimanche dernier, et je suis informé que sa mère et la Sœur Nelson, vont s’y joindre dimanche prochain.

Bien à vous sincèrement,

U. Smith

LETTRE 3

Battle Creek, Michigan, 31 juillet 1883

Cher Frère Canright :

J’ai en main votre lettre du 28 juillet, je l’ai montré au frère Gage comme vous l’avez demandé. Il est vrai que Butler m’a demandé d’écrire quelque chose pour le Supplément proposé [en réplique aux attaques de A.C. Long], en la présence des frères Littlejohn et Fargo, qui m’y a incité fermement, ou plutôt ils m’ont pressé tous trois ensemble. Mais je n’ai pas encore forgé mon opinion pour dire quoi ce soit, car je ne sais pas ce que je pourrais dire qui leur serait de quelque secours particulier. Je l’ai raconté à ces frères très clairement, et ma raison est que Sœur White a elle-même fermé ma bouche. Dans le ‘Témoignage Spécial à l’église de Battle Creek’ cité dans ‘Sabbath Advocate Extra’ (je suppose que vous avez vu les deux), elle a publié à mon sujet que j'avais rejeté non seulement ce témoignage, mais aussi tous les autres. Maintenant si je dis que je ne les ai pas rejetés, je confirme le fait, car je contredis celui-ci. Mais si je dis les avoir rejetés, je vois que cela ne leur fera aucun bien, mais on dira que je ne les ai pas supposés comme vrais. Son attaque à mon endroit me semble des plus imméritée et injuste. J'ai dit aux frères que je n'ai pas compris pourquoi elle semblait si inquiète, et si hâtive pour me dénoncer par voie de presse au monde, comme un incrédule dans les témoignages. Elle m'a poussé sans raison dans une position très embarrassante, parce que si je me tais ce sera bien sûr compris comme une reconnaissance virtuelle de la justesse des accusations. Mais s'il me faut dire quelque chose, je devrais exprimer mes convictions qui ne leur donneront pas toute satisfaction. Je viens d'écrire une lettre à frère Waggoner sur le sujet, en situant assez complètement ma position. Je vais en conserver une copie, et si vous vouliez la voir, je vous l'enverrai afin que vous la lisiez et me la retourniez. Je voudrais vous faire voir une certaine correspondance que j'ai eue avec Sœur White...

Dans la hâte et la charité,

Bien à vous, U. Smith

LETTRE 4

Battle Creek, Michigan, 7 août 1883

Cher Frère Canright :

J’ai en main votre lettre postée hier, j’y joins celle que j'ai écrite au frère Waggoner sur la question qui nous préoccupe. La première partie de la lettre portait sur quelque critique des paroles des Hébreux qui ne devrait pas vous intéresser. Je me suis décidé à écrire un peu pour le ‘Supplément’ pour cette raison : ceux qui écrivent dans ‘Advocate Extra’, pour la plupart d’entre eux, manifestent un sentiment de rancune et d’amertume auquel je ne puis souscrire, et je ne veux pas être considéré comme approbateur. En cela j'affirme ce que je vous ai dit, que je crois encore qu'il a été montré des choses à la Sœur White en vision, et que c'est une manifestation des dons spirituels, mais elles ne se situent pas au niveau des Saintes Ecritures, et ne devraient pas constituer la condition ou un gage de lien fraternel. Je terminerai en disant qu’ils devraient manifester ‘davantage de cette charité que l’apôtre proclamait plus désirable que tous les dons, et sans laquelle même les meilleurs dons ne sont que paroles vides de sens, et cymbales qui résonnent’. Je suis conscient que ce j'ai écrit n'arrangera pas matériellement mon cas au regard des témoignages, car cela me place en opposition directe avec ce que la Sœur White a dernièrement publié à mon sujet, et que le journal 'Advocate' ne tardera pas bien sûr à reprendre. Mais je pense que le frère Green a prématurément lancé ce ballon, et probablement que nous ne ferons pas de progrès décisifs lors de nos prochaines réunions annuelles, comme sans doute nous aurions dû si cela avait été vu autrement. Je n'aurais dû rien dire, ces hommes n'auraient pas compliqué la situation en se précipitant et manifestant l'esprit qui les anime. Logiquement mon cas ne sera pas résolu tant que je soutiendrai que la Sœur White a écrit et troublé nos écoles, que [je dirai] n’avoir aucune preuve que c’était ou que c’est vision, et comme je l’écris au frère Waggoner, je sais que je dois faire la distinction entre ‘témoignage’ et ‘visions’. Eh bien, je pense me connaître moi-même aussi bien que la Sœur White me connaît. Et je remets toutes ces choses dans les mains de Dieu, déterminé à chercher à faire sa volonté ici-bas, et trouver une place dans son royaume dans l’au-delà.

Bien à vous sincèrement,

U. Smith

LETTRE 5

Battle Creek, Michigan, 2 octobre 1883

Cher Frère Canright :

Votre lettre du 28 a été dûment reçue. J'aurais été très heureux de vous voir au C.M ; nous avons tenu à quelques égards une assemblée des plus puissantes. A.N. Seymour et sa femme étaient présents sabbat et dimanche, et il reconnut même devant le frère que cela ressemblait à 1844. Dommage que vous n’étiez pas là ! Moi et Harriet, avons eu une conversation avec Sœur White, et dans beaucoup de choses où ma pensée était grandement perplexe, j'ai été soulagé, ce qui bien entendu me donne un sentiment passablement différent. De plus, j'ai eu l'occasion d'apprendre que beaucoup sont sur le point d'être affectés par ma position par rapport à cette cause. Je suis très vulnérable sur le point de vue, la méthode des autres ; je ferais presque tout plutôt que cela. Bien sûr, je n’aurais pas pensé que cela ferait tant de différence si les autres n'allaient pas au-delà de mes limites, mais ils ne s'arrêtent pas là. Vrais ou faux, ils se sont vite forgé dans leur esprit, l'idée que les témoignages et les messages tiennent ou chutent ensemble ; et s'ils renoncent aux premiers, ils abandonnent aussi les derniers. Maintenant je préfère une personne radicale sur les témoignages, même s’ils ne sont pas du tout ce qu’ils prétendent être, qu’une autre abandonner la vérité présente. Pour cette dernière, je la crois vitale pour notre futur bien-être. Ainsi la meilleure lumière que je vois pour moi-même, est de contenir au plus mon influence, et de marcher avec le corps en attendant de nouveaux développements.

 

La Sœur White accomplit certainement un travail que nulle autre personne semble habilitée à faire, et qui est de grande valeur pour cette cause, c'est pourquoi je m'accommoderai de mes démêlés privés, et je les tiendrai en suspens pour le bien général.

Bien à vous sincèrement,

U. Smith

Category: Lettres des Pionniers
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