Marian la "Céatrice de Livres: Partie 2 de l'Histoire Inachevée de Fannie Bolton et Marian Davis

par Alice Elizabeth Gregg, Adventist Currents, Octobre 1983

L'histoire de Fannie Bolton, l’attachée littéraire la plus controversée d'Ellen G. White, ne serait pas complètement ni adéquatement rapportée, sans l'histoire de la partenaire littéraire de longue date d'Ellen White, Marian Davis.

Marian est née le 21 Août 1847 à North Berwick dans le Maine, de Obadiah et Elmira O. Davis ; ils lui donnèrent le nom de Mary Ann qu’elle usita jusque vers la trentaine. Elle était l’ainée de quatre enfants, Grâce étant la suivante, puis Obadiah, et enfin Ella. S’il subsiste quelque image de Marian, rien n'a été trouvé jusqu'à présent. Si elle ressemblait en tous points à sa soeur Ella, elle était toutefois brune avec un visage quelque peu sévère, mais aux traits agréables.

Quand Marian fut âgée de quatre ans, sa mère devint Adventiste du Septième Jour ; peu après son père accepta aussi la foi, lui qui avait été en Californie durant la ruée vers l’or. En 1868, l’année où elle avait vingt et un ans, elle vint avec sa famille à Battle Creek dans le Michigan. Peu après cela, Marian accepta un poste d’enseignante dans une école de la région. L’enseignement s’avéra si éprouvant que sa santé en fut affectée, et elle dut rester au foyer une année pour récupérer. Plus tard elle trouva un travail comme vérificatrice de composition, aux ateliers d’édition de la "Review and Herald".

Une double tragédie allait frapper la famille en 1876. Grâce mourut de "fièvre pulmonaire" le 17 mars, et dix jours après, le 27 mars, c’est leur mère qui décédait. Marian et son père écrivirent l’article nécrologique dans la Review. (1)

En 1880, Ella se maria avec William K. Kellogg, propriétaire de la “W.K. Kellogg Cornflakes Company”. Obadiah [son frère] se lanca aussi dans les affaires, et fut connu pour la solidité de ses pompes à eau électriques.

Lorsque James et Ellen White réservèrent leur wagon pour le Colorado en 1879, ils invitèrent Marian à les accompagner. Marian vint par train du Michigan au Texas, rejoindre les huit wagons déjà en chemin. L’histoire du voyage est contée par Eileen E. Lantry dans un livre pour enfants intitulé "L’Or de Miss Marian" (2) Marian avait trente deux ans quand elle débuta la journée qui allait l’engager un quart de siècle, en aventure vers des lieux exotiques et intéressants ; quand Ellen White voyagea en Californie en 1882, en Europe en 1885, de nouveau en Californie en 1887, dans le Michigan en 1889, en Australie en 1891, et encore en Californie en 1900. Marian l’accompagnait pour assurer sa rédaction de manuscrits.

Marian devint ce qu’Ellen White appelait sa "créatrice de livre" (bookmaker) "Elle prélève mes articles qui sont publiés dans les journaux, et les colle dans des livres blancs". Ellen écrivit à George A. Irwin, bientôt président de la Conférence Générale des Adventistes du Septième Jour. "." Elle possède aussi une copie de toutes les lettres que j'écris. Si en préparant le chapitre d’un livre, Marian se souvient que j'ai écrit quelque chose sur ce point particulier, qui peut rendre le sujet avec plus de force, elle commence à le rechercher, et si elle le trouve et voit qu'il rendra le chapitre plus clair, elle l'ajoute." (3)

Heureusement, la mémoire de Marian était très bonne. Elle en retira au moins "trente albums, une demi-douzaine de volumes reliés, et cinquante manuscrits, le tout représentant des milliers de pages" de matériels documentaires pour Ellen White, sans compter une grande bibliothèque de livres. (4)  Elle a aussi suivi des cours et des réunions, et pris les notes qui l'aideraient à traiter un sujet donné, tel que la vie du Christ.

Ellen était "une lectrice intéressée par les journaux religieux," selon William C. White son fils, "durant les nombreuses années où Uriah Smith était l’éditeur de la Review, il était dans ses habitudes de lui demander après qu’il ait eu des échanges religieux, de les lui remettre ; et elle consacrait une partie de son temps à les explorer en sélectionnant les choses précieuses qui apparaissaient parfois dans la Review. Dans celles-ci, elle recueillait aussi des informations sur l'actualité du monde religieux. "(5) Ceci était une information également disponible pour Marian, à lire attentivement pour ses activités rédactionnelles.

Marian était extrêmement consciencieuse au travail, et pouvait être très soigneuse en portant nombreux détails à l’attention de Ellen ou Willie White pour clarification. Ceci pouvait paraitre parfois très ennuyeux à Ellen White, car elle cherchait à mettre sa "propre pensée", quoi qu’elle pût être à l’époque.

En une occasion Ellen White écrivit à Mary sa belle-fille : "Willie est en réunion de bon matin et tard le soir, inventant, planifiant, pour faire de son mieux et le plus efficacement le travail pour la cause de Dieu.... Marian ira chez lui pour quelques petites questions qu'elle semblerait pouvoir arranger elle-même. Elle est nerveuse et pressée, et lui si fourbu, qu'il doit serrer les dents et tenir ses nerfs du mieux qu'il peut. J'ai eu une conversation avec elle, et je lui ai dit qu'elle doit elle-même arranger beaucoup des choses qu'elle a apporté à Willie.... Elle doit juste transmettre certaines de ces choses qui incombent à sa part de travail, et ne pas les apporter avant lui, ni inquiéter son esprit avec ça. Parfois je pense qu'elle nous tuera tous les deux, bien inutilement, avec ses petites choses qu'elle pourrait aussi bien régler elle-même, avant de nous les apporter. Elle veut que nous voyions chaque petit changement de mot. Je suis de fatigué de cette affaire." (6)

L’expérience de Marian, lui apprit avant tout que l’omission, addition, ou usage impropre d’un mot ou d’une virgule, peuvent faire toute la différence dans le monde de la signification et de la clarté, et peuvent confondre ou induire en erreur, plutôt qu’éclairer le lecteur. Autrement dit, elle était une habile rédactrice.

De plus, Marian elle-même était clairement en recherche, étudiant et sélectionnant du matériel littéraire pertinent, non pas seulement des albums d’Ellen White, mais aussi des oeuvres d’autres écrivains religieux (Alfred Edersheim, William Hanna, John Harris, Daniel March, Henry Melvill, pour n’en citer que quelques-uns) et de divers ministres adventistes dont elle entendit les sermons ou obtenu d’eux conseil, afin de se familiariser avec le sujet. Certainement qu'après cela, elle devait beaucoup tenir à ce que le travail manuscrit résultant de ses recherches, insertion, et organisation, soit examiné de manière approfondie. Quelle oeuvre pouvait être plus prudemment accomplie, que celle de ce "prophète" parlant pour Dieu?

Parfois de zélés supporters d’Ellen White ont mentionné Marian, Fannie et d’autres, comme de vagues "copistes" (signifiant que leur rédaction serait limitée sous dictée, à du recopiage "mécanique" tel que corriger la simple grammaire, orthographe, ponctuation) – réduisant ainsi subtilement au minimum le rôle des associés. Il y a nombreuses pièces à conviction qui indiquent que les assistants littéraires d’Ellen White, quel que soit leur titre, étaient en fait des « rédacteurs substantiels », c’est à dire chargés de récriture, réorganisation et suggestion, en façon de renforcer ou modifier le contenu, voire bien plus. Marian qui cherchait les bonnes idées, en organisation et en expression, et qui se chargeait aussi de la paraphrase, ne fut pas appelée sans raison "créatrice de livres" (bookmaker).

La question de l'utilisation des guillemets pour le matériel extrait de l'oeuvre des autres auteurs religieux, a finalement été abordé en discussion. William C. White et Dores E. Robinson ont écrit : "Mme White n'a fait aucun effort pour cacher le fait qu'elle avait copié d'autres auteurs, des formulations qui ont exactement servi ses objectifs. Et dans ses manuscrits écrits à la main, la plupart des passages qu'elle avait copiés mot pour mot, ont été mis entre guillemets. Mais il y a aussi beaucoup de passages qui ont été paraphrasés.... La question fut soulevée : comment ces passages seront-ils traités ? Il faudrait beaucoup de temps pour en étudier chaque passage, et le considérer séparément. Les imprimeurs attendaient les copies, et le public attendait le livre. Alors il fut décidé de supprimer entièrement les guillemets. Et le livre fut imprimé de cette façon." (7)

Vesta J. Farnsworth, qui était en Australie à l’époque où Ellen White s’y trouvait, écrit que Marian "était partagée dans la décision de passer outre les guillemets à l’endroit des citations, dans la première édition de La Tragédie des Siècles, et de l’usage général de reconnaissance des auteurs dans la préface. Mais lorsque survinrent de sévères critiques à cela, elle avec Soeur White et ses associés, le ressentirent douloureusement." (8)

Les contrariétés de Marian, et ses pleurs nuit après nuit, sont selon Obadiah son frère, parvenus finalement à la famille ; et ils se sont inquiétés à son sujet parce que la santé de leur soeur n'était pas robuste. (9)

Dudley M. Canright, un des biographes d’Ellen White, écrit que Marian " fut un jour entendue gémissante dans sa chambre ; entrant, un autre employé s’enquit du motif de sa peine. Miss Davis répondit : 'Je regrette de ne pouvoir mourir! Je regrette de ne pouvoir mourir!' 'Mais pourquoi, quel est le problème?' demanda l’autre. 'Oh,' dit Miss Davis, 'ce terrible plagiat !'."(10)

Farnsworth commenta cette histoire : "Si cela est vrai, c’est seulement un des nombreux sujets en rapport avec le travail de Marian, et qui la plongeaient dans la détresse. Soeur Marian Davis était excessivement loyale et consciencieuse dans son travail, et sentait vivement sa responsabilité dans la tâche qui lui était confiée, par rapport aux écrits de White. Elle était frêle de corps et souvent déprimée ; nombreuses fois, elle sollicita les prières et conseils de ses associés et compagnons de travail, et avec l’aide de Dieu, elle assuma une noble tâche. Elle aima le travail plus que sa vie, et rien qui touchait à son travail ne manquait de l’affecter." (11)

Quand Marian parla avec Charles E. Stewart, un docteur de Battle Creek, elle l’entretint de ses problèmes d’édition. Il se réfèra à cet incident, sans divulguer le nom de la personne, dans une longue lettre qu’il écrivit à Ellen White en 1907: "J’ai été informé par une personne de confiance, que dans la préparation de vos différents travaux, vous consultiez librement d’autres auteurs ; et qu’il était parfois très difficile d’arranger la question de vos livres de façon à empêcher les lecteurs de déceler que beaucoup de pensées étaient prises d’autres auteurs." (12)

La collaboration semblait bien se passer entre Ellen et Marian, jusqu’à ce que Fannie se joignit à elles ; alors les choses commencèrent à se gâter. Ellen écrivit que Fannie "parlerait à mes employés, surtout Marian, et a créé une agitation de telle sorte que je puisse à peine m’entendre avec Marian. Elle semblait être une autre personne, remplie d’un esprit irritable et inexplicable." (13)

Ce dont les rédacteurs discutèrent fut la reconnaissance de crédit (mérite) aux auteurs et rédacteurs. Fannie selon Ellen White, dans une lettre à Ole A. Olsen, président de Conférence Générale de l’époque, "parla de ces choses à Marian, et Marian fut conduite à partager le même point de vue, mais pas à la mesure de Fannie." (14) Fannie parla à différentes personnes de la manière dont les livres étaient organisés et écrits, et Ellen écrit "qu’elle leur présenta le problème d’une telle façon qu’ils pensèrent qu’une injustice avait été commise envers Fannie et Marian.... Fannie signala qu’elle et Marian avait amené tout le talent et l’acuité dans mes livres, et encore qu’elles étaient toutes deux ignorées et mises de côté, et que tout le mérite m’en était revenu." (15)

Fannie avait "créé un tel état de choses par ses interprétations", qu’Ellen écrivit à John Harvey Kellogg, "que vous la supposiez être l’auteur des articles qu’elle préparait, et maintenu reconnaitre que Marian et Fannie devraient être en partenariat avec moi dans les publications portant ma signature." (16)

Ellen White amena un jour finalement cela en conversation avec Fannie. Elle rapporta ainsi l’incident à Willie: "Dans la publication de ces productions [ses écrits] Madame E.G. White, Fannie Bolton, et Marian Davis, devraient-elles être intéressées dans la compagnie? "oh" dit-elle, 'Je ne sais pas, je ne sais pas. J’en ai été tentée, j’en suis très fière.'" (17)

Après que Fannie fut renvoyée, Marian selon Ellen, était "simplement paisible comme à son habitude" (18) Toutefois, lorsque Ellen fut contrariée avec Marian, elle fut reléguée de "créatrice de livres loyale" en "pauvre petite Marian."

Le père de Marian mourut à Battle Creek le 1er mars 1903. En mai de la même année, Marian s’occupait du meeting de la Conférence Générale à Oakland en Californie. Pendant qu’elle était là, elle attrapa un rhume qui s’installa dans les poumons, et elle fut hospitalisée à l’hopital et sanatorium de Sainte-Héléna. Petit à petit elle semblait guérir de son problème pulmonaire, et se remit au travail sur le dernier tome d’Ellen White, « Ministry of Healing » (Ministère de la Santé). Mais son appétit et sa vigueur ne revinrent jamais. Finalement, quand elle devint si faible qu’elle ne put s’assoir plus longtemps devant la machine à écrire, elle fut de nouveau hospitalisée. Parce qu’elle était incapable de manger ou dormir, elle continua à se consumer, et ne put jamais récupérer. (19)

Selon Canright, "on disait qu’avant sa mort, Mademoiselle Davis était grandement préoccupée de ce qu’elle avait fait, en rapport au plagiat de Madame White, car elle savait à quel degré (considérable) il avait été exercé." (20)

Que Marian ait été troublée peut être lu dans des lettres lui étant adressées durant ce temps, écrites par Ellen White, qui se déplaçait dans l’Est ; le 24 Août 1904 : "Ne laisser pas une pensée anxieuse pénétrer votre esprit." Le 16 septembre : "Je suis peinée que votre esprit soit troublé.... Dieu n’a pas de tels sentiments de condamnation comme vous l’imaginez. Je veux que vous cessiez de penser que le Seigneur ne vous aime pas .... Vous n'avez pas besoin de penser que vous avez fait quoi que ce soit qui pourrait conduire Dieu à vous traiter avec sévérité. J’en suis certaine." (21) Enfin le 9 octobre, lorsqu’Ellen White revenait de son voyage en Californie, elle ne pouvait persuader Marian de manger.

A quatre heures de l’après midi du 25 octobre 1904, Marian qui avait constitué le livre “Jésus-Christ” (The Desire of Ages), et qui avait donné corps et beauté à tant d’autres oeuvres pour Ellen White, était morte. Ses funérailles se déroulèrent le jour suivant dans l’église de Sainte-Héléna, et elle fut inhumée à Sainte-Héléna. Etaient présentes sa soeur Ella Kellogg, et sa nièce Beth Kellogg.

Willie écrivit la nécrologie, une pleine colonne dans la Review. Il la décrivit comme une "ouvrière efficace dans les départements littéraires de notre oeuvre .... Elle fut une ouvrière des plus efficace et digne de confiance, préparant pour la presse, des brochures, des livres et des articles pour nos nombreux périodiques." Quant aux pensées qui troublaient Marian à l'époque, Willie écrivit que "pendant sa maladie, la Soeur Davis pleurait parfois à cause des imperfections de son travail et de son expérience, mais à la fin, elle avait saisi les fermes promesses de Dieu, et avait trouvé paix, repos, et joie dans le Seigneur." (22)

Un récit supplémentaire déclare que Marian est morte de tuberculose. Mais curieusement, son certificat de décès déclare qu’elle est morte d’anémie. Elle avait cinquante sept ans, et pesait 38 kilos. Se pourrait-il que cette famine ait été la seule issue d'une situation qu'elle ne pouvait plus tolérer?

Même après les décès de Marian et Fannie, les graines du doute au sujet de la paternité des écrits d’Ellen White, continuèrent de germer et de se développer.

White et Robinson passèrent l’année 1933 à s’efforcer de mettre au point une explication des écrits de E.G.W, de telle façon que les membres de la dénomination adventiste comprennent une fois pour toutes, comment le "don" a travaillé. Ensemble ils écrivirent "une déclaration concernant les expériences de Fannie Bolton en rapport à son travail pour Mme Ellen G. White," "Brèves déclarations concernant les écrits d’Ellen G. White," et "le travail des rédactrices de Mme Ellen G. White" White écrivit aussi "Steps to Christ (Le Meilleur Chemin) : histoire d’un livre populaire" ; et Robinson écrivit "La paternité de Steps to Christ". Tous ces fascicules furent publiés à l’époque, sous forme dactylographiée.

Dans leur "Brèves Déclarations" (Brief Statements), ils relevèrent que "dans les années qui suivirent, lorsque Madame White prit conscience que certains lecteurs de ses livres devenaient perplexes sur la question, savoir si son copiage d'autres auteurs était une infraction sur les droits de quiconque; l'enquête pour déterminer 'qui a été lésé?' était ouverte. Aucune injustice ou préjudice ne purent être identifiés." (23)

Mais Ellen White savait qui avait pu être lésé. "Fannie Bolton peut me blesser comme personne d’autre " a t-elle dit avec quelque fébrilité à Merritt Kellogg.(24) En 1895, Ellen dit : "Elle [Fannie] m’a présenté sous un faux jour, et m’a terriblement blessé ; le travail est le seul point sur lequel elle m’a offensé. Elle a rapporté aux autres qu'elle a même comme transformé mes articles, qu'elle y avait mise toute son âme, et que j'avais reçu le mérite de compétence qu'elle avait elle-même donné à ces écrits." (25)

Selon Ellen White, un des plus gros péchés était le discours de Fannie. Fannie lui écrivit en 1897: "Je pense que la seule chose que vous détestiez en moi était le fait que je parle de cette question à tous, que vous vouliez me maintenir dans le secret au sujet de tout ça. Mais j’ai pensé qu’en toute justice pour vous-même, votre oeuvre, vos rédacteurs, et lecteurs, que vous-même auriez-vous dû reconnaitre le travail de vos rédacteurs. A cet égard, j’estimais que si je n’avais pas dit ce que je pensais être vrai, j’aurais une part [de responsabilité] dans ce que je considérais n’être pas parfaitement honnête, un comportement sincère." (26)

L’histoire de Fannie Bolton a été mis au jour par le White Estate en 1982 dans le but, qui en douterait, de défendre Ellen White. Ironiquement, le livre de Walter T. Rea, “The White Lie” (Pieux Mensonge) qui sortait presque simultanément, démontrait qu’une grande partie du matériel littéraire d’Ellen White avait été copiée, justifiant ainsi en effet [les propos de] Fannie Bolton et Marian Davis. (27)

Le conflit entre protagonistes et les deux adversaires, s’acheva avec leur mort. Ellen White mourut en 1915, Marian en 1904, et Fannie en 1926. Mais le conflit central avec ses implications considérables sur le plan littéraire, éthique, et théologique, n’a jamais été résolu ; et par conséquent, l’histoire n’est pas encore close.

Pendant des années, depuis les tous débuts de l'adventisme, il y eut protestations, parfois comme des murmures étouffés ; mais en ce siècle, la cacophonie est allée comme crescendo. Les officiels et les défenseurs de l'église ont toujours donné des réponses différentes, balançant d'une justification à l’autre :

  1. ELLEN N’A PAS COPIÉ. "Je n'ai pas écrit un article dans le journal, qui soit simplement l'expression de mes propres idées. Ils sont ce que Dieu m'a montré en vision - de précieux rayons de lumière resplendissant du trône".(28) Cette explication disparut après que des assistants de recherche, de rédaction, et d'édition, soient employés pour Ellen White.
  2. ELLEN UTILISA SEULEMENT LES MOTS DES HISTORIENS. "Dans certains cas où un historien aurait ainsi regroupé des événements pour donner en bref une vue compréhensive du sujet, ou récapitulé des détails de façon opportune, ses mots ont été cités ; mais dans quelques cas, aucune mention des sources n'a été donnée, puisque les citations ne sont pas données dans le but de citer cet auteur comme ayant autorité, mais parce que sa déclaration permet une présentation rapide et convaincante du sujet. "(29) Cette ligne de justification fut abandonnée quand il devint nécessaire d'admettre qu'un contenu autre que l'histoire avait été copié : "on lui a dit qu'en lecture de livres religieux et de journaux, elle trouverait les pierres précieuses de la vérité, exprimée dans un langage acceptable, et qu'on lui donnerait l'aide du ciel pour les identifier, et les séparer des sottises de l'erreur qu'elle trouverait parfois associées." (30)
  3. ELLEN UTILISA L’APPROCHE AD HOMINEM. Fannie est le problème ; elle est déséquilibrée ; vous ne pouvez donc pas croire ce qu’elle dit. En proposant enquête sur un sujet plus sensationnel à poursuivre, elle l'a obtenu sur le sujet du copiage, un sujet dont Ellen White ne pouvait pas parler.
  4. LA PARAPHRASE ÉTAIT DITE "ACCEPTABLE" IL Y A UN SIÈCLE. Puisque "tout le monde le faisait" il était de bon droit pour Ellen de paraphraser des idées. "Au dix-neuvième siècle, le plagiat était connu et condamné, mais paraphraser un auteur sans le citer était largement pratiqué." (31) (Il a aussi été largement pratiqué en collège par des étudiants considérés comme tricheurs par leurs professeurs.) Deux injustices produiraient-elles un bien? Quelqu’un pourrait utiliser la même analogie pour excuser l’adultère, ou taxer l’impôt de fraude.
  5. LES AUTEURS BIBLIQUES ONT COPIÉ. "On trouve un parallèle instructif " dans l’Evangile. Plus de 90% de l’évangile de Marc, font remarquer les apologistes, est parallèle aux passages de Matthieu et Luc.(32) Cette sorte d’argument en faveur de la liberté est semblable à l’argument ad hominem ; tournez vos yeux vers la Bible, et voyez ce qu’ont fait ses auteurs : produit du (matériel) texte ; il n’en est toutefois pas de même d’une tradition orale.
  6. LE COPIAGE d’ELLEN N’ÉTAIT PAS ILLÉGAL. Sur la base de "l’examen des faits et de précédents juridiques, nous concluons qu’Ellen G. White n’était pas une plagiaire, et que ses travaux n’ont pas constituté une violation du copyright (piratage de droits d’auteurs)" écrivit Vincent L. Ramik de Diller, Ramick & Wight, Ltd. (33) Il faut dire ici que tout avocat digne de ce nom, avance des arguments dans l'intention de soutenir ou défendre le client payeur. Aujourd'hui le problème de légalité, conformément à la loi sur le copyright, n'est pas la question principale dans le conflit se rapportant aux écrits d'Ellen White. Les problèmes sont ceux d'une ÉTHIQUE douteuse (saisie et camouflage de contenus déjà publiés par d'autres auteurs), et d'une signification embrouillée sur l'INSPIRATION (présentant la version White par rapport aux autres écrivains, comme "les rayons précieux de la vérité resplendissant du trône" ; habituellement interprétés significativement, comme lui étant venue directement de Dieu).
  7. ELLEN N’ÉTAIT PAS INFORMÉE DES NORMES LITTÉRAIRES. "Elle a agi sans avoir conscience que les critères littéraires considéreraient l’usage -même modéré- des écrits des autres, comme injuste ou digne de condamnation, du moins pas tant" (34) Elle a dû savoir, plutôt rapidement dans son expérience, que John N. Andrew, son proche associé et ami (dont elle copia le matériel littéraire sans citer la source), avait soigneusement crédité les travaux des auteurs qu'il avait étudiés dans ses préparations. Elle a dû savoir qu'Edersheim et autres de qui elle avait lu et extrait, créditaient leurs sources. Tout le message de Fannie tournait autour de cela (et de même pensait-on, ce qui précisément avait troublé Marian).
  8. LES PAROLES DE DIEU APPARTIENNENT A TOUT LE MONDE. "Dieu est auteur et propriétaire de toute vérité de la même manière que l’arbre est auteur et propriétaire de son fruit. Dieu fournit la vérité généreusement à tous ceux qui voudront la recevoir et l'utiliser. "(35) Peut-être que le même argument pourrait être tenu pour vrai à propos de l'argent en banque, ou du bétail placé sur mille collines ; ils appartiennent à Dieu. Serait-ce donc bien de les voler pour la cause de Dieu ? En aucun cas, la fin ne justifie les moyens.
  9. LES MOTS NE CONSTITUENT PAS LA PARTIE IMPORTANTE DES ÉCRITS d’ELLEN. "Ellen White termine sa lettre [17 Juillet 1906] avec une affirmation suggérant que les problèmes entourant son œuvre, résultaient d’une focalisation sur les mots plutôt que sur le message de ses écrits" dit le White Estate. (36) On se demande si c’est réellement ce qu’il voulaient dire. On ne peut délivrer de messages sans mots, à moins que les messages se situent au niveau non-verbal, mais ceci est un autre sujet d’étude. Mots : leur définition, connotation, et signification, sont les symboles ou signes qui donnent sens quand ils sont arrangés en modèles relationnels. (37) "L’acte essentiel de la pensée est la symbolisation.... On ne peut penser sans symboles." (38)

Ce sujet philosophique, technique et complexe, dans le champ d'un empirisme logique, n'est probablement pas du tout ce vers quoi voulait entrer le White Estate. Ce qu'ils ont sans doute voulu dire, mais ne pouvaient pas dire, c'était que "les problèmes liés à son travail, étaient le résultat de la focalisation de l'utilisation des mots sans reconnaissance des emprunts [citations d’auteurs], plutôt que des messages contenus dans ses écrits."

Aussi créatives que puissent être ces diverses justifications au copiage, elles ne se substitueront pas à la vérité.

Mérite doit être rendu au White Estate, à l’Institut de recherche biblique, et au président de la Conférence Générale, pour avoir admis que "la quantité de l’emprunt était plus important que précédemment connu." (39) Toutefois, quand les officiels, apologistes, et l’église Adventiste du 7e Jour en général, avanceront d’un pas, et reconnaîtront qu’Ellen White était bien en infraction, à copier sans donner crédit des sources utilisées, alors le conflit rapporté dans "L’histoire inachevée de Fannie Bolton et Marian Davis", parviendra à son terme.

Citations

1. Adventist Review, 1 December 1904.

2. Eileen S. Lantry, Miss Marian's Gold (Mountain View, CA: Pacific Press Publishing Association, 1981).

3. Ellen G. White Estate, comp., The Fannie Bolton Story: A Collection of Source Documents (Washington, DC: General Conference of SDA, 1982), Ellen G. White to George A Irwin, 23 April 1900 (Letter 61-a); p. 93.

4. [Robert W. Olson], "How The Desire of Ages Was Written" (Washington, DC: Ellen G. White Estate, 23 May 1979), Marian Davis to William C. White, 29 March 1893; p. 24.

5. EGW, Selected Messages, 3 bks. (Washington, DC: Review and Herald Publishing Association, 1980), bk. 3, pp. 462-463.

6. [Olson], "How DA Was Written," EGW to Mary White, March 1889 (Letter 64-a), p. 22.

7. William C. White and Dores E. Robinson, "Brief Statements Regarding the Writings of Ellen G. White (St. Helena, CA: Elmshaven Office, August 1933), p. 16.

8. Vesta J. Farnsworth to Guy C. Jorgensen, 1 December 1921, p. 34.

9. Hugh Williams, Taped Interview, 18 June 1980, pp. 1-2.

10. Dudley M. Canright, Life of Mrs. E.G. White, Seventh-day Adventist Prophet: Her False Claims Refuted (Cincinnati: Standard Publishing Company, 1919), p. 204.

11. Farnsworth to Jorgensen, p. 34.

12. [Charles E. Stewart], A Response to an Urgent Testimony from Mrs. Ellen G. White, Concerning Contradictions, Inconsistencies and Other Errors in Her Writings [Often called "The Blue Book"] (private printing; preface, 1907), p. 81.

13. The Story, EGW to Children, 2 August 1896 (Letter 154), pp. 72-3.

14. Ibid., EGW to Ole A. Olsen, 5 February 1894 (Letter 59), p. 19.

15. Ibid., EGW to Marian Davis, 29 October 1895 (Letter 102), p. 43.

16. Ibid., EGW to John Harvey Kellogg, 20 December 1895 (Letter 106), p. 60.

17. Ibid., EGW to Willie C. White, 6 February 1894 (Letter 88), p. 30.

18. Ibid., EGW to Children, 2 August 1896 (Letter 154), p. 73.

19. Lantry, Miss Marian's Gold, p. 76.

20. Canright, Life of Mrs. EGW, p. 204.

21. EGW, Selected Messages, (1958), bk. 2, pp. 251-54.

22. Adventist Review 81 (1 December 1904), p. 23.

23. White and Robinson, "Brief Statement," p. 12.

24. The Story, Merritt G. Kellogg, "A Statement" (March 1908), p. 7.

25. Ibid., EGW to J. Edson White, 9 December 1895 (Letter 123-a), p. 54.

26. Ibid., Fannie Bolton to EGW, 5 July 1897; p. 84.

27. Walter T. Rea, The White Lie (Turlock, CA: M&R Publications, 1982).

28. EGW, Testimonies for the Church, 9 vols. (Mountain View, CA: Pacific Press Publishing Association, 1948) vol. 5, p. 67.

29. EGW, The Great Controversy between Christ and Satan (Mountain View, CA: PPPA, 1888), Introduction, p. xii.

30. White and Robinson, "Brief Statements," p. 6.

31. [Ellen G. White Estate], "The Truth about the White Lie," Ministry, August 1982, p. 2.

32. Ibid.

33. Vincent C. Ramik, "Memorandum of Law: Literary Property Rights, 1790-1915" (Washington, DC: General Conference of SDA, 1981), p. 17.

34. White and Robinson, "Brief Statements," p. 18.

35. [EGW Estate], "The Truth about the White Lie," p. 4.

36. Ibid., p. 10.

37. A.D. Ritchie, The Natural History of the Mind, pp. 278-79, quoted by Susanne K. Langer in Philosophy in a New Key; a Study in the Symbolism of Reason, Rite, and Art (Harvard University Press, 1974), 3rd ed., p. 27.

38. Harold H. Titus, Living Issues in Philosophy (New York: American Book Company, 1964), 4th ed., p. 284.

39. Neal C. Wilson, "This I Believe about Ellen G. White," Adventist Review, 20 March 1980, pp. 8-10.

Category: Le Plagiat d'Ellen White
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